Lettre ouverte à Monsieur le Premier Ministre de Sénégal
Le Changement de paradigme prôné par le syndicat unique des Travailleurs de la santé et de l’Action Sociale (SUTSAS) depuis sa création consistant à s’orienter vers l’intervention sociale pour l’autonomisation des cibles en lieu et place de l’assistanat social pratiqué depuis l’indépendance du Sénégal, l’avait conduit à mener des luttes jusqu’à l’obtention du Président de la République d’alors, l’organisation des Assises nationales de l’Action sociale en 2008 sous le magistère de Mme Awa Ndiaye Ministre en charge de l’Action Sociale. Il est important de retenir parmi les conclusions de ces importantes Assises nationales, le vote de la loi d’orientation sociale, la ratification de la Charte internationale du droit des personnes handicapées, la création d’un fonds dédié au financement des projets « bancables » des personnes en situation de handicap et le vote de la loi d’orientation familiale.
Excellence, en vous souhaitant bonne réception de cette missive, nous sollicitons vivement, à l’instar des pertinentes rencontres sur le coût de la vie, une relecture ou évaluation 14 ans après de l’application des recommandations des Assises nationales de l’Action sociale, les premières du genre depuis l’indépendance.
Le changement de paradigme c’est aussi par l’approche sanitaire avec les déterminants de la santé et la prévention en complément de l’approche médicale contribue à l’éradication du handicap car survenant au décours d’une maladie invalidante grâce à la vaccination ou d’un accident du travail ou de la circulation généralement évitable.
Que retenir de l’application de ces résolutions nationales qualifiées par son Excellence Monsieur le Président de la République de pertinentes et réalisables : trop peu de choses en dehors de la ratification de la Charte et du vote de la loi d’orientation sociale en 2010 n’ayant produit que 60.000 cartes d’égalité des chances sur une cible estimée à 1million 500 handicapées (si on considère 15% de la population selon l’OMS) de 2014, date de lancement de ladite carte n’offrant que peu « de chance » aux détenteurs, ont qualitativement et quantitativement changé. Les raisons sont à chercher dans les nombreux changements institutionnels avec les changements de ministres et de directeurs mais aussi dans les organigrammes et les décrets de répartition des services de l’Etat.
Nous avions applaudi, quand en accédant au pouvoir en 2012, l’actuel Président de la République avait créé une Direction Générale de l’Action Sociale à côté d’une Direction Générale de la Santé en complément et en cohérence au dispositif du MSAS avec l’érection des Directions régionales de la santé.
Paradoxalement, il avait été créé (au niveau stratégique à la Présidence de la République) fut créée une Délégation protection sociale et à la solidarité nationale « en doublon » et au développement communautaire devenu Ministère, dépouillant pratiquement la Direction Générale de l’Action Sociale (dont certains de ses services sont dupliqués au Ministère de la Famille), de ses instruments d’évolution en réduisant ses moyens d’intervention au niveau opérationnel. En conséquence de quoi les centres de promotion et de réinsertion sociale (CPRS), niveau opérationnel de l’Action Sociale à l’instar du district sanitaire, sont devenus les parents pauvres du système parce que sans ressources humaines aux normes sans moyens financiers, logistiques et matériels dans de sinistres locaux. Qui disait que la Santé et l’Action Sociale sont des secteurs complémentaires et d’égale dignité au sein du MSAS devenu « Ministère de la Maladie et des affaires sociales » ?
Les personnes en situation de handicap souffrent aussi bien de l’indigence de la carte d’égalité qui n’offre aucun service hormis ceux incomplets de la couverture médicale universelle car les autres ministères en charge de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, des transports et de la justice, entre autres, sont aux abonnés absents que la Loi d’Orientation Sociale (n° 2010 -15 du 10juillet 2010) leur impose dans l’égalité des chances aux ayants droit.
A la lumière de tout ce qui précède, nous invitons monsieur le PR qui inscrit son action à davantage de social dans le Budget 2023 au respect du changement effectif de paradigme par le retour aux fondamentaux en faisant en sorte que les paquets de soins ou de service tant au niveau de la santé et de l’Action Sociale soient de qualité et en permanence accessibles financièrement, physiquement et géographiquement et sous tendus par des indicateurs et des critères pertinents. Tout en respectant le droit de l’autorité de nomination à tous les postes civils et militaires, il n’en demeure pas moins que le Social doit revenir aux travailleurs sociaux tout comme la police aux policiers. Etant donné que tout projet de développement au-delà de sa portée économique devra prendre en charge sa dimension culturelle et aussi sa dimension sociale, l’homme étant au début et à la fin du développement, il est temps de mettre le Travailleur social au niveau de la décision pour atténuer les douleurs que charrie tout projet impactant obligatoirement les bénéficiaires.
En effet Monsieur le Premier Ministre, l’action sociale d’aujourd’hui c’est aussi ses ressources humaines victimes de discrimination, de manque de considération comme des étrangers chez eux, malgré la longueur de leurs études (Bac +3, Bac +6), les faits têtus, la mayonnaise n’arrive pas à prendre à cause d’un corporatisme ambiant de certains décideurs ignorant totalement l’intervention sociale
C’est ainsi que, sans prétention aucune, le repositionnement de l’Action Sociale tant attendu permettra un meilleur encadrement des groupes vulnérables, l’autonomisation des cibles par le financement de leurs projets et pour effet l’abandon de la mendicité. D’ailleurs pourquoi ne pas s’indigner sur le sort de la DGAS dont le budget annuel s’élève à 2 milliards (portion congrue voire dérisoire) sur les 270 milliards du MSAS et vivotant grâce à l’appui de quelques partenaires techniques et financiers faisant dans la philanthropie ou le mécénat.
L’invite est faite en direction de la nouvelle Assemblée nationale pour le vote de lois « dites sociales » telles que celle portant sur la médecine traditionnelle, celle portant sur la Transfusion sanguine et surtout la loi d’orientation familiale précitée avec les Assises nationales de l’Action sociale pour remembrer et requinquer la famille qui n’est presque plus ce creuset d’éducation aux valeurs civiques et morales à la croisée des chemins.
Au demeurant, cet état des lieux critique perfectible n’occulte en rien les avancées enregistrées avec l’acte III de la décentralisation avec la territorialisation des politiques publiques faisant le bonheur des populations. Cependant, ne retenir que l’Assistance médicosociale en direction des malades en est une vision réductrice de l’Action sociale au MSAS
Pour un budget véritablement social dans une perspective d’autonomisation pour une auto promotion des cibles classiques de l’Action Sociale que sont les enfants, les femmes, les handicapés, les personnes âgées et les groupes vulnérables, nous en saluons l’orientation et la pertinence en conclusion.
Mballo Dia Thiam
MBA/ISM
Chevalier de l’Ordre national du Lion
Diplômé du Centre d’Etudes Diplomatiques, Stratégiques et de Relations Internationales (CEDS)
Secrétaire général national du SUTSAS
Président de l’ASAS AND GUEUSSEUM